Sowat "Tempus Fugit"

Les photographies de l'exposition
→ Informations : info@lefeuvreroze.com
 
Sowat : "Tempus Fugit"
Exposition personnelle cataloguée
17 novembre - 17 décembre 2016
 
 
Entre septembre 2015 et août 2016, Sowat & Lek sont les premiers artistes issus du Graffiti à résider à la prestigieuse Académie de France à Rome, la Villa Médicis. Une reconnaissance pour ce duo atypique dont le parcours les a menés des friches industrielles du Mausolée aux conduits d'aération du Palais de Tokyo et aux collections permanentes du centre Pompidou.
 
C'est également un nouveau départ pour eux : la découverte du travail quotidien en atelier, mené à quatre comme à deux mains. Durant ces douze mois passés sur la colline du Pincio et alors qu'il partage le confort incongru de l'atelier d'Ingres avec Lek, Sowat profite de cette retraite romaine et du temps qui fuit pour réaliser une série d'œuvres qu'il présente aujourd'hui à la Galerie Le Feuvre. Trente-neuf toiles, grands formats rigoureusement composés et mis en scène dans les jardins de la Villa. Trente-neuf toiles, qui prolongent ses recherches sur la calligraphie, le trait, le mouvement et le geste, s'inspirant autant des plaques de marbre gravées du codex romain que du cholo writing, art des gangs latinos du Los Angeles de sa jeunesse, confrontant l'aspect primitif de sa peinture à la pierre et au plâtre des statues antiques.
 
Que voit-on sur ces toiles ? D'abord une saturation de signes qui ne laisse aucune pause ni respiration au tableau. Le regard se perd dans le labyrinthe des écritures, certaines distinctes, d'autres à peine esquissées ou recouvertes. Le motif s'efface, tend vers l'abstraction, mais le trait demeure, avec toutes les variations que permet la réaction chimique de l'encre de Chine mêlée à un corps gras. Mi-sorcier mi-géomètre donc.
 
Il ressort de chaque œuvre un impact fort, un effet de répétition aussi. Depuis Kierkegaard, on sait que cette répétition est le mouvement par lequel on accède à la vérité du temps ; sur les toiles de Sowat, la répétition des signes permet de circonscrire l'espace. Il est question ici de rapidité, de sensation de glisse, de continuité dans le geste, comme dans le tag, poussé vers sa dimension la plus ornementale. Les couleurs, toutes très franches, apportent aux toiles la charge émotive, en fonction des alliances choisies, ou de façon plus directe s'il s'agit d'un monochrome. Sang et lumière, bleu et acier, pourpre et or, charbon et feu… Chaque œuvre appelle un univers, des références, une invitation au rêve, cherchant à réactiver l'ancien mythe alchimique de transformation du plomb en autre chose.
 
La mise en scène dans les jardins et les galeries de la Villa Médicis indique ce que ces toiles doivent à l'environnement, à ces fantômes moulés dans le plâtre, parfois amputés ou scalpés, qui se dressent dans les moindres coins du Palais et en sont les véritables pensionnaires. Tantôt les toiles jouent sur le contraste, tantôt elles s'inscrivent dans le paysage, en prolongent une ligne ou une teinte. Une manière de reconsidérer la valeur de ces œuvres, pour la plupart créées dans l'ombre de la Renaissance italienne, en dialoguant avec elles, en mettant en lumière la puissance et la richesse de l'artifice plutôt que du naturel, de la copie plutôt que de l'original ; une manière donc, dans un monde où, selon la formule de Debord, « le vrai est un moment du faux », d'être contemporain. Artiste contemporain.
 
Vincent Sarthou-Lajus. Texte publié en préface du catalogue "Tempus Fugit"
Novembre 27, 2016
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